La semaine dernière, nous avons vu comment, immédiatement après la mort des apôtres, les corruptions du paganisme ont commencé à être introduites dans l’église, jusqu’à ce que les services, comme le dit l’historien, aient l’aspect de mystères païens.
Et ce n’est pas tout. Le culte du soleil était à cette époque universel. Ces apostats, ne se contentant pas de l’adoration du soleil qui apparaissait dans la célébration des mystères, adoptèrent la coutume païenne d’adorer vers l’est. C’est ce que dit Mosheim :
« Cette coutume était fondée sur l’opinion générale que Dieu, dont l’essence était pour eux la lumière, et qu’ils considéraient comme circonscrit dans certaines limites, habitait cette partie du firmament d’où il envoyait le soleil, image lumineuse de sa bonté et de sa gloire.
« Les chrétiens convertis ont certes rejeté cette erreur grossière [consistant à supposer que Dieu habitait cette partie du firmament], mais ils ont conservé l’ancienne coutume du culte vers l’est, qui en découlait. Cette coutume n’est pas non plus abolie, même à notre époque, mais prévaut encore dans un grand nombre d’églises chrétiennes. »
L’étape suivante fut l’adoption du jour du soleil comme jour de fête. Les formes d’adoration du soleil furent tellement pratiquées dans cette apostasie, qu’avant la fin du deuxième siècle, les païens eux-mêmes accusaient ces soi-disant chrétiens d’adorer le soleil. Un presbytre de l’église de Carthage, alors et maintenant l’un des « Pères de l’Église », Tertullien, qui a écrit vers 200 ap. J.-C., a jugé nécessaire de défendre cette pratique, ce qu’il a fait dans les termes suivants dans un discours adressé aux dirigeants et aux magistrats de l’Empire romain :
« D’autres, encore, certainement avec plus d’informations et une plus grande vraisemblance, croient que le soleil est notre dieu. On nous comptera peut-être parmi les Perses, bien que nous n’adorions pas l’orbe du jour peint sur une pièce de toile de lin, se trouvant partout dans son propre disque. L’idée vient sans doute du fait que nous sommes connus pour nous tourner vers l’est en prière. Mais vous, beaucoup d’entre vous, sous prétexte d’adorer le ciel parfois d’adorer des corps célestes, remuez vos lèvres dans la direction du lever du soleil. De même, si nous consacrons le dimanche à la réjouissance, pour une raison bien différente de l’adoration du soleil, nous avons quelque ressemblance avec ceux d’entre vous qui consacrent le jour de Saturne à l’aisance et au luxe, bien qu’ils s’éloignent eux aussi des usages juifs, dont ils sont d’ailleurs ignorants. »
Et encore, dans une adresse à tous les païens, il justifie cette pratique par l’argument suivant : vous faites la même chose, vous en êtes à l’origine aussi, donc vous n’avez pas le droit de nous en vouloir. Dans ses propres mots, sa défense est la suivante :
« D’autres, plus soucieux des bonnes manières, il faut l’avouer, supposent que le soleil est le dieu des chrétiens, parce qu’il est notoire que nous prions vers l’orient, ou parce que nous faisons du dimanche un jour de fête. Que dire alors ? Faites-vous moins que cela ? Beaucoup d’entre vous, sous prétexte d’adorer parfois les corps célestes, ne remuent-ils pas leurs lèvres dans la direction du lever du soleil ? C’est vous, en tout cas, qui avez admis le soleil dans le calendrier de la semaine ; et vous avez choisi son jour, de préférence au jour précédent, comme le plus convenable dans la semaine, soit pour s’abstenir entièrement du bain, soit pour le remettre au soir, soit pour se reposer et faire des banquets. »
Cet accommodement était facile à faire, et toute cette pratique était facilement justifiée par les enseignants à l’esprit pervers, dans la perversion d’une Écriture telle que : « Car l’Éternel est un soleil et un bouclier, […] » (Ps. 84 : 11) ; et « Mais pour vous qui craignez mon nom, se lèvera Le soleil de la justice, Et la guérison sera sous ses ailes […] » Mal. 4 : 2.
À mesure que cette coutume se répandait et que les disciples se multipliaient, l’ambition de l’évêque de Rome grandissait. C’est en l’honneur du jour du soleil que s’est manifestée la première tentative de l’évêque de Rome pour contraindre à l’obéissance tous les autres évêques, et le fait que cette tentative ait été faite pour une telle cause, au moment même où ces prétendus chrétiens étaient ouvertement accusés par les païens d’adorer le soleil, est fortement suggestif.
C’est de Rome que vint une autre addition à l’apostille adorant le soleil. Les premiers chrétiens, pour la plupart juifs, continuaient à célébrer la Pâque en souvenir de la mort du Christ, la vraie Pâque, et cela se poursuivait chez ceux qui, parmi les païens, s’étaient convertis au Christ. Rome, cependant, et à partir d’elle tout l’Occident, adopta le jour du soleil comme jour de cette célébration.
Selon la coutume orientale, la célébration, étant le quatorzième jour du mois, tombait bien sûr sur différents jours de la semaine au fil des années. La règle de Rome était que la célébration devait toujours avoir lieu un dimanche, le dimanche le plus proche du quatorzième jour du premier mois de l’année juive. Et si le quatorzième jour de ce mois était lui-même un dimanche, la célébration ne devait pas avoir lieu ce jour-là, mais le dimanche suivant. L’une des raisons de ce choix était non seulement de ressembler le plus possible aux païens, mais aussi de ne pas ressembler aux Juifs : ceci afin de faciliter la « conversion » des païens en se conformant à leurs coutumes, mais aussi en cédant à leur esprit de mépris et de haine envers les Juifs. C’est sur ce point que l’évêque de Rome fit sa première tentative ouverte d’absolutisme.
Nous ne savons pas exactement quand cette pratique a commencé, mais elle était déjà pratiquée à Rome à l’époque de Sixte Ier, qui était évêque de Rome de 119 à 128. Cette pratique fut encouragée par ses successeurs, et Anicetus, qui fut évêque de Rome de 157 à 168, « ne se conforma pas lui-même à cette coutume orientale, et ne permit pas à ceux qui étaient sous sa juridiction de s’y conformer, les obligeant à célébrer cette solennité le dimanche suivant le quatorzième jour de la lune. » En 160 après J.-C., Polycarpe, évêque d’Éphèse, fit un voyage à Rome pour consulter Anicetus sur cette question, mais rien de spécial ne sortit de cette consultation. Victor, qui était évêque de Rome en 192-202, proposa également de n’obliger que ceux qui étaient sous sa juridiction à se conformer à la pratique de Rome ; mais il revendiquait sa juridiction sur tous, et par conséquent présumait pouvoir commander à tous.
« En conséquence, après avoir pris l’avis de quelques évêques étrangers, dit Mosheim, il écrivit une lettre impérieuse aux prélats asiatiques, leur ordonnant d’imiter l’exemple des chrétiens d’Occident en ce qui concerne le moment de la célébration de la fête de Pâques. Les Asiatiques répondirent à cette demande seigneuriale par la plume de Polycrate, évêque d’Éphèse, qui déclara en leur nom, avec beaucoup d’esprit et de résolution, qu’ils ne s’écarteraient nullement, de cette manière, de la coutume que leur avaient transmise leurs ancêtres. Sur ce, le tonnerre de l’excommunication commença à gronder. Victor, exaspéré par cette réponse résolue des évêques asiatiques, rompit la communion avec eux, les déclara indignes du nom de ses frères, et les exclut de toute communion avec l’Église de Rome. »
Compte tenu de ce qui a été exposé, on comprendra aisément qu’entre le paganisme et ce type de christianisme, il devint rapidement difficile de faire la distinction, et le troisième siècle ne fit que rendre cette distinction encore plus difficile à discerner.
Traduit du 9 Janvier 1896 du périodique A. T. Jones – ADOPTING THE DAY OF THE SUN, The Present Truth January 16, 1896.